Manger les riches – une décomposition

Février 2022, saisissement national en France : une enquête révèle que les maisons de retraites du groupe privé Orpea martyrisent leurs pensionnaires. Et leurs salarié.es. Des vieilles gens mis au lit la couche pleine. Laissés des heures durant par terre, jambes cassées. Agonisant dans leur vomi.  Un business model salué par la presse financière depuis des années : rendement annuel à 15%. Gombrowicz nous raconte une aventure similaire dans Le festin de la comtesse Fritouille. Là où le narrateur croit se rendre chez la comtesse pour ses fameux repas maigres, végétariens, pleins de retenue bienveillante et de souci humaniste, le menu change soudain. Mais pas les mots. On dit servir du chou-fleur, on a cuisiné de la viande humaine. Les appétits attablés ne s’y trompent pas : et les convives se métamorphosent en anthropophages – dégondés par cette autorisation soudaine. 

Tel est le régime de pulsionnalité qui a cours aujourd’hui dans le capitalisme financiarisé.

Photo : © Philippe Lucchese