Crowd

Inclassables, les pièces de Gisèle Vienne n’ont eu de cesse de sonder, depuis Showroomdummies (2001), l’éternelle dualité – Eros et Thanatos, Apollon et Dionysos – qui est au cœur de notre humanité, la nécessaire soif de sensualité que chacun porte en soi. Crowd est une nouvelle étape dans cette recherche d’une singulière constance. Gisèle Vienne y ausculte minutieusement le vaste spectre de nos fantasmes et de nos émotions, ainsi que notre part d’ombre. Chorégraphie conçue pour quinze interprètes réunis le temps d’une fête, cette ample polyphonie met en lumière tous les mécanismes qui sous-tendent les manifestations d’euphorie collective. Nourrie de philosophie et d’arts plastiques, l’artiste met en scène un univers de la fragmentation, où coexistent plusieurs réalités et temporalités, un univers où les gestes saccadés empruntent tout autant aux danses urbaines qu’au théâtre de marionnette. La dramaturgie de Denis Cooper et les choix sonores et musicaux de Peter Rehberg et Stephen O'Malley agissent comme autant d’agents perturbant notre perception en même temps qu’ils brouillent la frontière entre rêve éveillé et rave endiablée. À la fois contemporain et puissamment archaïque dans sa dimension cathartique, Crowd est le lieu d’un dialogue avec ce qui nous est le plus intime.

David Sanson

Photo : Crowd - Gisèle Vienne © Estelle Hanania